Ejaculation faciale et autres amusements érotiques...
J'avais
été étonnée, en tombant sur la brochure de Sylvie Richard-Bessette La
pornographie ou la dominance sexuelle rendue sexy (trouvable très
facilement sur Internet, sur différents sites féministes), de constater
l'amalgame qui était fait entre certaines pratiques sexuelles et la
façon dont elles peuvent être récupérées par la pornographie.
L'auteure écrit notamment à propos de pratiques jugées dégradantes :
«La
pornographie hétérosexuelle présente surtout des comportements où les
femmes sont abusées et soumises à des actes dégradants. Par
comportement sexuel abusif, on entend toute conduite dénigrante,
abaissante, méprisante, nuisible, brutale, cruelle, douloureuse ou
violente comme uriner ou déféquer sur une femme, éjaculer sur son
visage, la dépeindre comme une esclave sexuelle impatiente de répondre
aux moindres désirs de l'homme, la pénétrer de force, la réduire à des
organes génitaux ou à un être aimant se faire appeler cochonne, salope,
négresse, chienne, putain ou bunny (Russel, 1993). »
Je ne
vois pas pourquoi l'éjaculation faciale, ou même le fait d'aimer se
faire insulter au pieu, seraient en soi des comportements rabaissants.
Ils peuvent être excitants ou pas du tout selon les sensibilités, mais
peuvent en tous cas constituer des jeux érotiques librement consentis.
Je
pense que cet amalgame provient précisément d'un imaginaire machiste
profondément ancré, selon lequel le sexe reproduirait nécessairement
les inégalités (sociales,...) entre hommes et femmes.
Il est dommage
que le sentiment de ces inégalités conduise certaines femmes à se
restreindre dans leurs désirs, ou à se culpabiliser de certaines envies
(pourquoi le fait d'aimer recevoir le sperme de son amant sur le visage
correspondrait-il à une attitude de soumission? Ca peut être au
contraire un acte très intense...) et parallèlement des hommes à
associer certaines attitudes sexuelles féminines à de la soumission. Ce
qui est parfaitement idiot: premièrement, je ne vois pas ce qu'il y a
de dégradant à vouloir donner du plaisir à son amant, et deuxièmement
une femme peut prendre beaucoup de plaisir à faire une fellation, ou se
faire éjaculer dessus, ou se faire menotter, etc...
Et alors si on
considère que la femme adopte une attitude dégradante lorsqu'elle prend
du plaisir... alors on tombe bien dans un « féminisme »
extrêmiste qui finit par nuire aux femmes elles-mêmes !
Récemment,
j'ai lu dans le dernier numéro (n° 4) du fanzine punk Nina et ses idées
noires * une interview du zine transpédégouine Mutants at work **, où
l'interview affirme encore à propos de la pornographie:
« la
« commercialisation » du sexe et la place souvent dégradante
des femmes c'est ce qui me dérange...les éjaculations faciales, les
bourins machos, les mises en scène de viols, les « salope, t'aimes
ça, hein ? ».
Que la production pornographique dans sa grande
majorité utilise une imagerie sexuelle qui réïfie et les hommes et les
femmes, voilà qui est certain pour moi ! De toute façon, elle s'adresse
essentiellement aux hommes et à leurs fantasmes (qu'elle conditionne
par la même occasion !), que son unique objectif est de satisfaire, et
non de proposer un discours et une esthétique originale (on ne regarde
pas un film porno pour ça !).
Mais il faut différencier la façon
dont la pornographie met en scène des postures érotiques et ces
postures en elles-mêmes, qui n'ont pas attendu la pornographie pour
exister ! Ces mêmes attitudes, mises en scènes dans une optique
érotique et non plus pornographique (je rappelle en passant que
« pornographie » vient du grec « porné » qui
signifie « prostituée »...) peuvent être perçues comme
quelque chose de très beau.
Un exemple très intéressant de cette
différence fondamentale entre érotisme et pornographie (qui ne passe
pas pour moi par une différence de degré concernant les actes
représentés mais par le regard porté sur ces actes) se trouve dans la
séquence finale du film de Chantal Akerman Je tu il elle (
malheureusement quasiment introuvable comme beaucoup des films de cette
réalisatrice, à moins de tomber au bon moment dans quelque
cinémathèque...), qui présente une scène homosexuelle très
crue où
l'une des deux actrices est la cinéaste elle-même. Filmée en trois
longs plans fixes et en plans moyens, presque dans sa durée réelle,
cette scène ne pouvait pas tomber dans la pornographie, tant le type de
montage , la place de la caméra et la manière dont elle est insérée
dans la totalité du film présentent un discours réel sur le sexe et sur
les femmes, et tant son « réalisme » ignore les fantasmes
masculins stéréotypés.
Athalie
*contact Nina et ses idées noires: jeanmartrenchar@hotmail.com.
**contact Mutants at work: queerzine@no-log.org